Un texte préparé à l’occasion de la projection du documentaire Ruins, le 03/12/2014 au local de Cabiria.
Au printemps 2012, la Grèce traverse sa troisième année d’application des politiques d’austérité extrêmes prévues par le plan de sauvetage du pays ordonnée par le F.M.I. (Fonds monétaire international) et la B.C.E. (Banque Centrale Européenne). Les conséquences de la mise en place de ces mesures fortement antilaïques n’ont pas tardé à se manifester et à conduire le pays à une période de déstabilisation politique pendant laquelle les deux partis politiques qui se succèdent au pouvoir n’arrivent pas à acquérir le taux de votes leur permettant de former le gouvernement. C’est dans ce cadre de mécontentement social et dans un contexte pré-électorale que se tisse l’affaire de la criminalisation du VIH afin de servir des gains politiques concrets.
La marginalisation de certains groupes sociaux (immigrant(e)s, toxicomanes, travailleuses du sexe), ainsi que l’emploi d’un discours idéologique, très chargé en émotions et faisant appel au bipôle de la santé et de la maladie (corps social sain / corps social marginal et contaminant) vise à terroriser la société, à la désorienter de ses problèmes réels, et à servir la propagande électorale.
L’appropriation des politiques de discrimination ouvre d’ailleurs la voie à la fascisation de la vie politique. Les grèves, les manifestations et les protestations sont vidées de leur importance. Elles sont souvent présentées comme des mouvements minoritaires et sont brutalement réprimées. En outre, la gauche et le milieu anarcho-libertaire qui soutiennent ces luttes sont attaqués en tant que menace pour la paix sociale.
Les médias jouent bien entendu un rôle crucial, en assurant la diffusion des discours dominants d’un contenu de plus en plus raciste, sexiste et stigmatisant. Mais ça ne nous étonne plus. Ce qui est original dans cette affaire, c’est la position tenue par une partie de la communauté médicale. Le Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies (KEELPNO en grec), une autorité censée être indépendante, collabore avec la police, mène des dépistages VIH illégaux et joue son rôle dans cette affaire de violation tangible des droits de l’homme en rendant publics les résultats. Quand la déontologie médicale est mise à mal au profit des enjeux micro-politiques et aux dépens des individus, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous souvenir des jours les plus sombres de l’histoire.
En conclusion, il nous semble approprié de souligner notre position qui comprend cette histoire non pas comme le fruit d’une condition socio-politique particulière, mais comme la mise en œuvre des discours et des logiques discriminatoires qui malheureusement prennent de plus en plus le relais partout en Europe. Ces logiques indiquent des vies « sans valeur », des vies qui ne méritent pas d’être vécues. Ces sont les corps des femmes, des immigrants, des musulmans, des homosexuels, des malades etc. qui ont incarné historiquement l’Autre. Ces corps sont considérés comme menaçants et ainsi sont exclus de la catégorie de l’humanité. Notre réponse ne pourrait que prendre la forme d’une solidarité inconditionnelle.
Le documentaire est en accès libre sur le net : http://ruins-documentary.com/en/
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Initiative des étudiant/es et travailleurs/es grec/ques de Lyon :
https://nouvelleshorslesmurs.wordpress.com/
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